L’affaire fut déclenchée quand un nourrisson tomba malade et décéda avant son transfert aux urgences de l’hôpital Hassan II par une jeune dame qui ne s’avéra pas être la mère biologique du bébé. La police judiciaire prit l’affaire en mains et l’enquête minutieusement entreprise aboutit à l’existence d’un dangereux réseau transnational d’exploitation des enfants dans la mendicité. La jeune dame livra les coordonnées des quatre principaux membres de ce réseau dont le chef de bande est une jeune femme qui gite dans une maison louée à Tétouan où elle gère la procréation ou « la production » d’enfants qui seront « distribués » dans plusieurs villes et destinés à une cruelle traite d’êtres humains maquillée par la mendicité.
Pire encore, les enquêteurs découvrirent chez la femme arrêtée des reçus postaux d’encaissement de sommes d’argent envoyées par la mise en cause à la mère biologique du bébé qui réside à Tétouan. L’accusée ne manqua pas de révéler que la femme chef du réseau est une professionnelle dans la traite des nourrissons qu’elle « loue » moyennant des mensualités qui varient selon l’âge de l’enfant et la ville de destination et qu’elle-même elle lui envoyait la somme de 1500 dirhams par mois. L’enquête permit également de déterminer l’identité des parents biologiques du nourrisson décédé et des avis de recherche furent lancés au bénéfice de l’enquête judiciaire ouverte par le procureur général de la cour d’appel de Khouribga. Une affaire à suivre car de tels agissements doivent être éradiqués et à jamais par la mise en œuvre d’un véritable coup de force juridique et judiciaire !
Certes, le législateur marocain s’est rendu compte du phénomène de la mendicité, l’a considérée comme «un délit contre la sécurité publique» et lui a réservé, par conséquent, un arsenal de cinq articles dans le code pénal. À ce propos, l’article 326 du Code pénal inflige une peine allant de 1 à 6 mois de prison à «quiconque ayant des moyens de subsistance ou étant en mesure de se les procurer par le travail ou de toute autre manière licite, se livre habituellement à la mendicité en quelque lieu que ce soit». Cependant, ce châtiment s’alourdit par l’article 328 qui évoque la même peine contre «ceux qui, soit ouvertement, soit sous l’apparence d’une profession, emploient à la mendicité des enfants âgés de moins de treize ans». Cependant, la peine devient très lourde, selon l’article 330, de 6 mois à 2 ans de prison si les « parents, tuteur ou patron et généralement toute personne ayant autorité sur un enfant ou en ayant la garde qui livrent, même gratuitement, leurs enfants, pupilles ou apprentis âgé de moins de treize ans à des mendiants» et si des personnes «déterminent ces enfants à quitter le domicile de leurs parents, tuteur ou patron pour suivre lesdits mendiants.».
Or, le paysage de nos villes est agressé quotidiennement par ces femmes assises à même le sol, à un carrefour très fréquenté du centre-ville, femmes, dont le visage semble être dans le malheur, tiennent dans leurs bras un bébé qui ne bouge plus, qui dort ou plus précisément qui a été endormi tout sauf naturellement. Quiconque a vu, dans nos villes, des enfants en bas âge dans les bras d’un adulte qui mendie, a pu constater qu’ils restent immobiles durant des heures… sans pleurer ! Comment peuvent-ils rester calmes ? Sont-ils drogués ? Sont-ils contraints ? L’utilisation d’un enfant, dans le but de mendier, est sans conteste une forme de maltraitance, la plus odieuse qui soit, et qui mérite d’être interdite et sévèrement sanctionnée.
Dans les grandes avenues de nos villes, dans nos souks, devant nos moquées et cimetières, la présence de dizaines de mendiants, hommes, femmes portant des nourrissons et des enfants de moins de 12 ans qui se faufilent entre les files de voitures, est devenue un véritable phénomène de société. Il est devenu quasiment impossible de faire deux pas sans se faire aborder par un mendiant. Des femmes volent des enfants pour attirer la compassion des passants. Notre pays dispose, certes, d’une législation interdisant la mendicité y compris celle organisée, mais elle n’est pas appliquée. En attendant son application, le cercle des mendiants et des « voleurs » s’agrandit de plus en plus pour donner naissance à des réseaux de mendicité bien organisés. C’est un nouvel emploi qui prospère. Pour certains, la pratique est malheureusement érigée en métier e chaque soir on voit des mendiants se faire échanger leurs pièces en billets variant en moyenne entre 200 et 300 dirhams par jour selon certains buralistes et commerçants chez qui ils viennent échanger leurs recettes en billets.
Pour éradiquer ce cruel fléau de traite des enfants dans la mendicité, il est temps que le gouvernement, la machine judiciaire et la société civile s’impliquent davantage et que des mesures répressives soient prises et surtout appliquées par qui de droit car on a affaire aujourd’hui non pas seulement à des mères, mais à des réseaux de bandes criminelles …